Résumer le parcours de Lotfaï en quelques lignes est un exercice périlleux: tour à tour infographiste, monteur vidéo et créateur de sites internet, Lotfaï a fait de l'informatique, d'internet et de la vidéo ses terrains de jeux préférés. Pas question de laisser d'obscures limites le freiner: une volonté de fer, mais surtout un talent en Or: voilà les armes décisives qui ont notamment permis à Lotfaï de travailler sur les derniers projets du Roi de la Pop... Entretien avec un passionné professionnel. MJ data bank: Comment es-tu devenu fan de Michael Jackson ?Loftai: Mon tout premier souvenir est très clair: je me rappelle de cette fois où je n'étais pas plus haut que trois pommes. Ma mère m'a appelé pour que je vienne devant la télé. J'avais 4 ans et j'ai vu le clip de Thriller. C'est comme ça que ça a commencé... Et ça ne s'est jamais arrêté. Je n'avais pas peur du clip, j'étais juste fasciné. Je voyais un mec en rouge qui, dans un sens, s'adressait à moi. De la promo Thriller, je n'ai retenu que le clip. J'ai commencé à être conscient de Michael Jackson à partir de BAD. Ensuite, j'ai commencé à acheter des disques et tout ce qui va avec. J'écoutais Michael Jackson, sans arrêt. C'était non stop. A vrai dire, je ne me suis séparé de pas mal de choses que récemment, quand j'ai déménagé, et désormais c'est la musique qui reste. A mes yeux, Michael Jackson représentait une sorte de confessionnal: dès mon plus jeune âge, il était quelqu'un vers qui je pouvais me tourner, à qui je pouvais m'adresser. Au début, c'était un message plutôt visuel. A partir de l'époque Dangerous, je me suis intéressé aux paroles, et j'ai d'ailleurs reparcouru toute son oeuvre dans ce sens.
A mes yeux, Michael Jackson représentait une sorte de confessionnal,il était quelqu'un à qui je pouvais m'adresser. MJdb: Qu'écoutes-tu à part Michael ?Lotfai: Jusqu'à Dangerous, je n'écoutais que du Michael Jackson, car pour moi, il représentait la musique. Ensuite j'ai commencé à écouter autre chose. J'ai eu ma période Rap, car je vivais dans du cité où on écoutait du Rap... Et en même temps j'assumais mon côté Michael... C'est pas forcément évident car vers la fin des 80's et le début des 90's, on commençait à parler surtout du physique de MJ... Mais malgré tout, en toile de fond, il reste toujours un grand respect pour sa musique.
Ensuite, j ai écouté du R&B. Pour moi, le Roi du R&B était R Kelly... J'ai beaucoup écouté R Kelly, j'ai même emballé sur du R kelly ! lol... Puis il y a eu Sisqo etc... Au bout d'un moment, j'en ai eu un peu marre... Et j'ai découvert le Rock ! A partir de là, je me suis dit qu'il existait un tas d'autres musiques, si bien qu'aujourd'hui j'écoute de tout: Ben Harper, les Hives, Tchaïkovski (grâce à Michael dans un sens), Amp Fiddler... Je suis ouvert à tous les styles de musiques car j'ai envie de savoir ce qui se fait.
MJdb: Peux-tu nous raconter ton parcours: celui d'un fan qui vit aujourd'hui de sa passion?Lotfai: Mon beau-père est ouvrier et ma mère femme de ménage. Dans ce milieu, on te dit et fait comprendre que les études sont très importantes. J'étais un méga-cancre à l'école. Le système scolaire ne me convenait pas car j'ai un vrai problème avec l'autorité... J'étais un cancre, sauf en anglais. Du coup, j'ai suivi un cursus professionnel et j'ai enchaîné sur un BEP carrosserie. Mes parents me disaient: "C'est pas Michael qui va te donner à manger", et je leur ai répondu: "Vous verrez, un jour vous serez fier de moi". Du coup j'ai arrêté la carrosserie. J'ai alors eu conscience du risque que comportait cette toute première décision. Je voulais accéder à une formation artistique en passant par les lettres, mais je n'avais pas les notes suffisantes. J'ai donc décidé de me former aux outils informatique en autodidacte tout en bossant dans une pizzeria et j'ai réussi à décrocher un job dans une filiale d'IBM, pendant 6 mois.
La personne qui allait devenir mon parrain dans cette première aventure était le beau-père de mon ex-copine. Il m'a vu dessiner le génie d'Aladdin sur l'une des premières versions de Paint. Il s'est rendu compte que j'arrivais à faire des choses en me concentrant et que j'avais du potentiel. Il m'a alors proposé un deal: me laisser me former seul pendant plusieurs mois sur un logiciel qu'il développait avec, à la clé, un entretien d'embauche. Six mois plus tard, je gagne mon défi et je rencontre son boss. Ils m'ont tous les deux donné ma chance. Au bout de 6 mois, il m'a convoqué et ma présenté mon licenciement comme un tremplin: je venais d'acquérir une expérience professionnelle, c'était désormais à moi de préparer la suite. Aujourd'hui, avec le recul, je me rends compte que je n'étais pas d'une grande utilité dans cette boîte (Rires). J'ai eu la chance de tomber sur une petite poignée de personnes qui ont cru en moi au moment où j'en ai eu le plus besoin. Je leur en serai reconnaissant toute ma vie pour ça. Par la suite, je suis devenu pion dans une école d'architecture, et NBK est né à la même époque. Nous sommes en 1999. Je commençais à vouloir faire comme Christophe Boulmé, car je me débrouillais sur Photoshop. Pour moi, Boulmé est une référence. NBK voulait dire Natural Born King, référence à Natural Born Killers, de Oliver Stone, un de mes films préférés. Après une première version, j'ai créé une V2, qui était plutôt un site de teasing. Je n'arrêtais pas de faire une campagne NBK en annonçant un tas de choses (Rires). je faisais cela sans vraiment savoir où j'allais. J'en suis assez content car je me rends compte que j'avais une vision qui est toujours là aujourdhui.
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d'acceuil de NBK V2]
Michael Jackson était la meilleure école audiovisuelle possible.Un peu plus tard, un ancien producteur de Disney m'a appellé pour me proposer de travailler avec lui au sein de Expand. Il produisait pas mal d'émissions pour la télé française et avait lancé une filiale dédiée à la création des sites internet autour de ces concepts. J'ai pu le rejoindre assez rapidement car il avait racheté mon contrat à l'université. J'ai ainsi travaillé pour Expand Interactive et j'ai créé les animations Flash pour les site web de Fort Boyard, Belphégor, le tout sans avoir pris de cours en informatique. A mes yeux, Michael Jackson était finalement la meilleure école audiovisuelle possible. Je découvrais les noms et les univers de nombreux réalisateurs grace à ses clips, comme Martin Scorcese. C'est de là que vient mon inspiration, et Black & White a renforcé ce respect de l'image chez moi.
J'ai bossé un an et demi chez Expand tout en continuant NBK. J'ai mis en route la V3 du site, avec une histoire élaborée autour d'un héros, Nathan. Ca ne m'intéressait pas d'apporter des news car je n'étais pas le premier dessus. Je voulais travailler sur l'image. C'est ce qui nous a poussé à créer NBK TV et NBK Radio. On a tourné une émission spéciale Ghosts, présentée par Sabrina. Puis nous avons lancé la radio car nous voulions entendre les fans parler en direct.
MJdb: Pour quelles raisons NBK s'est arrêté ?Lotfai: Nous aurions pu continuer et faire plein de choses... A vrai dire, je ne sais pas vraiment pourquoi ça s'est arrêté, car on s'éclatait à faire ce site... On ne cherchait pas à décrocher la meilleure audience.... En ce qui me concerne, j'avais envie de passer à autre chose. On a quand même eu envie de retravailler ensemble mais le temps manquait à chaque fois.
Mon but avec NBK était juste "d'y arriver", et pas forcément de durer. NBK était en fait un autre tremplin: il y a eu IBM, l'université, puis NBK.
Je voulais passer à autre chose et la vidéo commençait à me titiller. Mais à l'époque, internet ne me permettait pas d'explorer ce domaine à fond, à cause du bas débit...
MJdb: Comment s'est déroulée la transition entre la fin de NBK et les premiers projets de montages vidéo ?Lotfai: Avec Expand, vers la fin, on ne s'entendait plus trop. J'arrivais souvent en retard, et le fait qu'ils m'aient remercier tombait à pic, car je n'avais plus trop envie de travailler avec eux. C'etait donc un mal pour un bien. Après avoir quitté Expand, je me suis rendu à l'ANPE du spectacle, car j'étais devenu intermittent. J'ai vu une annonce pour la réalisation du montage d'une pub. J'ai postulé en mythonant sur mon cursus, et j ai réussi à décrocher un rendez-vous. Tout allait bien, sauf que je devais ramener mes diplômes. J'ai rappelé et là encore j'ai mythoné en racontant que je connaissais leurs systèmes de montage et autres logiciels. Je leur ai proposé de bosser un mois gratuit, et de me licencier si le résultat ne leur convenait pas. Ils m'ont dit ok en me demandant de leur présenter mes travaux. Je leur avais parlé d'un teaser pour INVINCIBLE, avec le regard de Michael et tout un travail sur du feu et des flammes autour.
J'ai travaillé 4 ans pour cette boîte. Ce fut une vraie formation pour moi: j'ai bossé sur After Effects, puis Media 100 qui a été remplacé par Avid. Je travaillais sur le montage des pubs et je préparais l'habillage des produits.
Cette boîte était composée de deux entités: Opposite Design et 5ème Dimension.
Opposite Design s'intéressait aux disques et 5ème Dimension produisait des clips. J'ai notamment monté un clip pour Lorie - époque Billy Crawford - intitulé "Le weekend" ! Au bout de 4 ans, j'ai quitté Opposite et 5ème Dimension car je voulais voler de mes propres ailes. Mon ambition est de me diriger vers le cinéma. J'ai donc décidé de me lancer en freelance. Quand je regarde mon parcours, tout est allé crescendo, donc je me suis dit que ça ne pouvais pas sarrêter. Pendant un an, je me suis cherché, j'avais monté le Dangerous Freestyle avant de quitter Opposite...
A suivre.
(C) 2008, MJ data bank. Tous droits réservés.
Texte: Richard Lecocq
Photos: DR / NBK / Lotfaï / Sabryna Duvaudié (photo haut-gauche)
Vidéos: NBK / Lotfaï