Thriller:
Thème du défilé Jean Paul Gautier! «Wooooooou». Le défilé de
Jean Paul Gaultier s’est ouvert sur le cri lugubre du
Thriller de Michael Jackson. Après l’univers marin (des filets, des sirènes et des coquillages) qu’il avait travaillé pour son défilé haute couture, Jean Paul Gaultier s’est transformé en braconnier pour assembler une série de références liées à la chasse, aux forêts et aux créatures mystérieuses qui les peuplent. Les louves-garous, le crâne couvert d’un renard mort, portant de hautes bottes couvertes de fourrure, les cheveux ébouriffés comme si elles sortaient tout juste d’un repas cannibale, avaient de l’allure et de la fierté dans le regard. S’en suivit une démonstration tout à fait réussi de ce qu’il est possible de faire avec de la fourrure, avec humour, tact et légèreté. Parfois, la présence animale se faisait à travers des imprimés zèbre ou sur cette incroyable parka à la capuche bordée de longs poils soyeux. Ou bien sur un manteau, comme cette pièce en crocodile, brute, sexuelle et qui semblait avoir été découpée à même le cadavre d’un saurien d’élevage.
Pour le soir, Jean Paul Gaultier revenait vers la civilisation avec notamment une robe rouge bordée d’inspiration chinoise. Des robes et des jupes en perles blanches cliquetaient sur le
catwalk, la toujours très élégante top française, Morgan Dubled, avait l’œil aiguisé de celle qui va croquer tout ce qui bouge autour d’elle. En sortant, on s’interrogeait. JPG s’était-il lancé secrètement dans une série à caractère obsessionnel ? Après la chasse, la pêche, allait-il nous pondre la prochaine fois un «défilé cueillette» avec de jeunes filles en fleurs grimpant en haut des arbustes pour y attraper des baies ?L’appel de la nature résonnait aussi chez
Dries Van Noten, mais tout en suggestions et digressions. Pas de citation directe mais une évocation automnale composée de soies ultra-légères accompagnées de confortables fourrures. A base de couleurs chaudes, la palette de la collection se fond dans le flamboiement des arbres parés de leurs feuilles. La juxtaposition des soies et des fourrures suggère cet entre-deux temporel où l’on frissonne des premiers froids matinaux pour se chauffer plus tard aux rayons du soleil. De l’été, on conserve un pantalon de soie, court, porté avec une robe légère et la veste de fourrure pour ne pas attraper froid. De l’été encore, les gros bracelets cliquetant le long d’un bras hâlé se retrouve amoncelé au cou, telle une parure quasi africaine.
Avant le collant épais de plein hiver, le pied se glisse dans une socquette de fillette relevée de talons aiguilles très féminins. Après l’explosion florale de sa collection d’été vue en octobre dernier, Dries Van Noten poursuit-il tout naturellement une déclinaison automnale pour l’hiver ? Cette simple logique temporelle n’est pourtant pas la première des qualités du monde de la mode qui, en général, préfère régler sa montre sur son propre tempo. Ainsi, à la veille du printemps, les créateurs dévoilent-ils, pour des raisons commerciales, leurs collections d’hiver et à la veille de l’hiver, celles de l’été. Il en va de même des heures de la journée répondant à un principe intangible : jamais un défilé ne commence à l’heure. Comment alors se repérer dans ce temps hors du temps ?
Heureusement, les dépassements d’horaires répondent à des codes stricts.
Rarement, le top départ est enclenché dans la demi-heure de l’heure annoncée. Le plus judicieux pour s’y retrouver est d’observer le ballet du personnel d’accueil, dont l’ultime mission, après avoir placé un public souvent hautain, est de pré-déscotcher le film plastique qui recouvre le podium où évolueront les mannequins. Et sur un ordre envoyé de nulle part dans leurs oreillettes, ces petites mains discrètes ôtent la bâche protectrice. Le show peut alors commencer. En général, le retard frôle les quarante voire les quarante-cinq minutes. Au-delà, cela relève du faux pas.
C’est ainsi que le défilé Lacroix débuta selon une précision quasi suisse à quarante-cinq de l’heure indiquée sur l’invitation. Impeccable respect des codes que l’on retrouva sur le podium. En janvier, le créateur avait présenté une collection totalement haute couture avec des robes de princesses et des manteaux de fées. Hier, pour le prêt-à-porter, il ajusta son style pour donner des robes et des manteaux calibrés pour les cocktails. Travaillées en unies, les couleurs se distinguent simplement : sur une base noire tranche une veste fuschia. L’or brodé compose un seul vêtement. Des robes courtes de satin voluptueux sont déclinées, telles de petits bonbons acidulés, en vermillon ou jaune éclatant. Et de petits manteaux blancs très structurés ont la peau modelée pour donner un effet «éléphant» saisissant. Ici, la nature est totalement apprivoisée.
Source: Libération / Liberian Girl du paradis du King Of Pop